COVID-19: les coureurs toujours dans l’attente de directives claires pour sauver leur saison
Source : Stéphane Cadorette, Journal de Québec
Le retour du beau temps et la campagne de vaccination qui bat son plein laissent entrevoir l’espoir qu’il y aura bel et bien une saison de course à pied, après l’hécatombe de l’an dernier. Les organisateurs restent toutefois sur leurs gardes en l’absence de mesures de déconfinement visant à leur permettre de planifier leurs événements en bonne et due forme.
Du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, seulement sept courses sanctionnées par la Fédération québécoise d’athlétisme ont eu lieu sur les quelque 130 prévues au programme. Il s’agit d’une diminution dramatique de 95 % par rapport à la période prépandémie.
C’est sans parler d’un grand nombre d’autres courses qui ne sont pas affiliées à la Fédération et qui ont été annulées elles aussi. Un portrait sombre pour une discipline qui n’a manifestement pas suscité les mêmes manchettes que bien d’autres sports, mais qui rejoint bien des Québécois.
«J’ai beaucoup de gens qui m’ont dit que si leur événement ne se déroulait pas en 2021, ils ne pourraient pas être de retour en 2022. Il y en a pour qui la situation est critique», déplore Marilou Ferland-Daigle, coordonnatrice course sur route et en sentiers à la Fédération.
«Je crois qu’on aura une saison de course adaptée, mais je ne sais pas quel pourcentage d’événements pourront tenir le coup et répondre aux exigences sanitaires. Ce n’est pas juste une question financière. Ces événements sont organisés par des gens qui y mettent beaucoup de temps. Après deux ans à avoir la vie dure, ça affecte la motivation», enchaîne-t-elle.
Longue attente
Même s’il y a l’espoir que la saison 2021 soit plus heureuse que celle de l’an dernier avec un programme de courses estival et surtout automnal, il n’en demeure pas moins que, pour l’instant, c’est le grand flou dans le milieu de la course.
«Ce qu’on aimerait, c’est de pouvoir connaître le plan de déconfinement du gouvernement. On aimerait au moins connaître les séquences, les phases, les étapes qui s’en viennent. En connaissant les étapes, au moins ça nous donnerait une idée de la progression à suivre. À ce jour, on n’a absolument rien sur ce qui s’en vient», constate Mme Ferland-Daigle.
Le canal de communication demeure bien ouvert avec le gouvernement et la Santé publique, mais les réponses pour rassurer les organisateurs et satisfaire les coureurs se font attendre.
«Les compétitions ne sont pas autorisées et on ne sait pas quand les événements pourront avoir lieu. Le retour à la normale ne se fera pas du jour au lendemain. La saison de compétition 2021, s’il y en a une, sera adaptée. On ne parlera pas d’une saison standard. Il y aura des particularités, des mesures, des restrictions, des contractions», met en garde Marilou.
Organisateurs inquiets
Éric Fleury chapeaute les Courses thématiques, une série de neuf événements auxquels ont pris part un total de 20 000 coureurs en 2019.
Comme plusieurs autres promoteurs, il tente de voir la lumière au bout du tunnel.
«Les gens nous écrivent, ils veulent des réponses, mais il n’y a aucun plan de déconfinement. Selon ce qu’on a su en avril, quand il y en aura un, il sera plus sévère que l’an passé. Comme plusieurs, nous sommes un OBNL. Nous sommes tous très occupés dans nos domaines respectifs et on se demande si on va mettre un paquet d’heures dans le vide.
«Pour les plus gros événements, je ne suis pas très sûr qu’ils auront lieu. Je pense que ce sera plus favorable pour des petites courses de 250 à 500 coureurs. Pour octobre et novembre, j’ai un peu plus confiance», confie-t-il.
Le constat est similaire du côté du marathon de Rimouski. L’édition 2021 est prévue le 12 septembre, mais Sébastien Bolduc, qui dirige l’événement, doit avoir toutes les réponses en main pour prévoir la logistique adéquate au plus tard au début de juillet.
«À ce stade-ci, je dirais qu’il est peu probable que notre événement normal ait lieu cet automne. Je pense que le mieux qu’on puisse espérer, c’est un événement de petite ampleur, organisé à la dernière minute, sans trop de frais fixes. Je vois mal comment on pourra dépasser le cap des 1000 coureurs», mentionne celui dont l’événement en a attiré près de 4000 dans les dernières années.
Visiblement, les coureurs devront s’armer de patience encore cette saison. Calendriers chamboulés, courses à échelle réduite et restrictions s’annoncent comme un passage obligé vers le retour à la normale.
LES GROS MARATHONS SE TIENNENT PRÊTS
Autant le marathon Beneva de Montréal que celui de Québec demeurent prévus à l’horaire dans le contexte actuel et les forces qui s’agitent derrière ces deux événements phares du petit monde québécois de la course à pied s’attendent à ce que les adeptes de longues distances soient rassasiés cet automne.
À Montréal, les coureurs s’élanceront le 26 septembre, alors qu’à Québec, ce sera le week-end suivant, le 3 octobre.
«On est contents de pouvoir mettre une date sur un calendrier parce qu’il n’y a rien de plus difficile que de s’entraîner sans avoir une quête, un but», affirme le président-directeur général de l’événement de Montréal, Sébastien Arsenault.
«On a le privilège d’être à l’automne et compte tenu des prévisions estivales positives de la Santé publique ainsi que de la vaccination, on ne peut pas faire autrement qu’être optimiste.»
La santé avant tout
À sa dernière édition, en 2019, le marathon de Montréal avait été assombri par le décès d’un coureur et un imbroglio sur les heures de départ. Depuis, c’est la COVID-19 qui occupe toute l’actualité, mais il ne semble pas que cette dernière ait freiné les ardeurs des coureurs, qui sont déjà au nombre de 2000 à avoir confirmé leur inscription.
«C’est un bon départ. Je me demandais comment les gens allaient réagir. Le marathon de Montréal avait perdu un peu de plumes et il fallait regagner la confiance des gens en leur montrant que nous sommes là pour les bonnes raisons.
«Ça va dans la bonne direction, mais la santé et sécurité des coureurs, c’est la priorité absolue. On ne fera pas dans les artifices cette année. Tout va être mis en uvre en fonction de l’évolution des circonstances», assure M. Arsenault.
Marathons plus modestes
À Québec, tous les efforts sont déployés pour que l’événement ait lieu comme prévu, mais, comme pour la vaste majorité des courses un peu partout cette saison, les attentes doivent être différentes.
«Il y a des facteurs encourageants, mais il reste que pour 2021, le mot normal” ne doit pas exister dans la tête des coureurs», prévient Marianne Pelchat, productrice déléguée chez Gestev, qui organise le marathon Beneva de Québec.
« L’objectif est de préserver au maximum l’expérience habituelle, avec des objectifs revus à la baisse pour refléter la situation sanitaire actuelle », ajoute celle qui précise que les inscriptions «vont très bien».
Normalement, l’événement rejoint quelque 8500 coureurs. Des scénarios plus modestes sont actuellement à l’étude en vue de recevoir 6500 ou 3500 coureurs. Des mesures strictes aux lignes de départ et d’arrivée, des départs en vagues de 50 personnes par minute selon le rythme de course et des points de ravitaillement en libre-service ne sont que quelques-unes des mesures à prévoir.
Un sport adapté
Même si les marathons de Québec et de Montréal regroupent des milliers de participants, ils misent sur le fait qu’il s’agit de compétitions en plein air qui s’inscrivent bien dans le cadre des mesures sanitaires.
«Dans les grandes années du marathon de Montréal, il y a eu 36 000 coureurs. Il faut être lucide, ce ne sera pas le cas cette année. On est en train d’écrire ce que sera la nouvelle normalité de 2021. Il faut tenir compte du fait qu’on se dirige vers l’atteinte des cibles de vaccination du gouvernement et que notre événement ne nous tient pas confinés dans un stade. Il y a plusieurs trucs qui jouent en notre faveur», plaide Sébastien Arsenault.