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La course sur route au Québec – Une tradition toujours vivante


Article par Denis Poulet

La course sur route au Québec a une longue histoire, qui remonte à plus de 100 ans. Certains croient que la pratique populaire de cette activité n’a débuté qu’après les Jeux olympiques de Montréal en 1976, mais quelques-uns des événements de course sur route très fréquentés aujourd’hui occupaient déjà le paysage sportif bien avant les Jeux.

Vrai, la course à pied avant les JO de Montréal était une pratique quasi confidentielle, presque exclusivement masculine et largement ignorée des médias. Mais elle avait fait son chemin, avec des hauts et des bas, des champions et des anonymes. La course sur route en sol québécois, ce n’est pas d’hier.

Par exemple, le premier marathon de Montréal a eu lieu… en 1909, il y a donc 116 ans. Dans les années 1930, on relève une dizaine de marathons à Montréal. Il y en aura deux dans les années 1940, aucun dans les années 1950, puis un seul dans les années 1960 (en 1964). Le Marathon de Montréal reprend en 1972, puis revient en 1974.

Avant les années 1980, le championnat canadien de marathon s’est déroulé neuf fois au Québec. Saint-Hyacinthe en fut l’hôtesse à trois reprises (1961, 1963, 1965), Verdun en fut le théâtre deux fois (1938 et 1950), tout comme Montréal (1912 et 1972). Québec (1946) et Saint-Jérôme (1979) sont les deux autres villes-hôtesses.

 

Les événements les plus durables

La course sur route dans la province peut ainsi être considérée comme une tradition. Le marathon n’en est qu’une des facettes, même si elle a toujours été la plus prestigieuse des courses. On relève en effet des épreuves de toutes distances dans les événements de course qui ont marqué l’histoire.

Les événements les plus remarquables en ce sens, ceux qui ont fait la tradition en quelque sorte, sont nombreux. Et plusieurs sont toujours à l’affiche.

 

Les événements les plus durables

(par ordre du nombre d’éditions — minimum de 20 éditions)

Note. L’hyperlien de chaque événement renvoie au site iskio.ca. On y trouve notamment un bref historique de l’événement, les résultats de chaque édition (dans la mesure du possible) et des statistiques de participation.

Nom Lieu Début Dernière édition Nombre d’éditions
Classique du parc La Fontaine Montréal 1950 2024 73
10 Km de l’Université Laval Québec 1970 2024 54
15 km des Pichous Chicoutimi 1973 2025 52
Grand rendez-vous de la santé Baie-Saint-Paul 1975 2024 48
Courir Lorraine Lorraine 1979 2024 45
Courses du Festival de la gibelotte Sorel-Tracy 1978 2024 46
Tour du lac Brome Lac-Brome 1979 2024 44
Course et marche populaires de LaSalle Montréal 1980 2024 43
Grande Vadrouille Vaudreuil-Dorion 1983 2024 41
Réveil du coureur Sherbrooke 1983 2024 39
Défi hivernal Île-Bizard/Vaudreuil-Dorion 1986 2024 38
Descente royale Québec 1984 2021 36
Rosemère en santé Rosemère 1987 2024 36
La Galipote Québec 1977 2015 35
Maski-Courons international Saint-Gabriel-de-Brandon 1975 2011 34
Course de Saint-Bruno Saint-Bruno (Lac-Saint-Jean) 1991 2024 33
Marathon de Montréal Montréal 1979* 2024 32
Jakours Jonquière 1992 2024 31
Course Saint-Laurent Montréal 1993 2024 30
Marathon de Saint-Hyacinthe Saint-Hyacinthe 1947 1975 29
Défi Gérard-Côté Saint-Hyacinthe 1994 2024 28
Pierrefonds Open Pierrefonds 1984 2010 27
Marathon de Québec Québec 1998 2024 25
Demi-marathon Marcel-Jobin Saint-Boniface 1997 2021 25
21K de Montréal Montréal 2003 2025 22
Marathon de Rimouski Rimouski 2002 2024 20

* Iskio.ca fait remonter les débuts du Marathon de Montréal à 1979, mais la Métropole a été le théâtre de plusieurs marathons auparavant. Le premier aurait eu lieu en 1909. Le site de l’Association des statisticiens de course sur route (ARRS) en dénombre une vingtaine de 1915 à 1978. Il y aurait donc eu plus d’une cinquantaine d’éditions du « Marathon de Montréal ».

 

Vingt des 26 événements de ce tableau, dont les 11 premiers, sont toujours au calendrier. Le tableau montre non seulement l’ancienneté de certains événements, mais aussi une dispersion des courses à travers la province. Le mouvement de multiplication et de régionalisation des événements de course de fond au Québec s’est amorcé il y a très longtemps. Et se sont greffées au tronc principal que constituaient ces événements des centaines de courses en tous genres, sur toutes sortes de parcours.

Aussi anciens qu’ils soient, les événements n’ont pas tous la même envergure. Certains ont été historiquement beaucoup plus marquants que d’autres, notamment la Classique du parc La Fontaine, le Marathon de Saint-Hyacinthe, le Marathon de Montréal et le Maski-Courons. Par la qualité de leur organisation, par la participation, par la diversité de leur programme, par la présence d’athlètes de haut niveau, par la couverture de presse aussi.

 

Les femmes dans la mêlée… à partir des années 1970

C’est dans les années 1970 que l’on commence à voir des femmes dans les courses de fond. Sur la piste, le 1500 m était pour elles l’épreuve la plus longue. Ce n’est qu’aux Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles qu’elles seront admises à des épreuves plus longues, soit le 3000 m et… le marathon. Pourtant, des femmes avaient ouvert la voie bien avant, notamment au Marathon de Boston (voir à ce sujet Quand les femmes n’avaient pas le droit de courir).

Au Québec, il semble que les premières femmes à courir un marathon aient été les quatre qui ont participé au Marathon de Montréal le 14 mars 1974, dans la neige et le vent. On n’a que le résultat de Winifred Geller, 36 ans, qui a bouclé le parcours en 3:46:08 h. Un an plus tôt, une femme, Esther Bergeron, avait participé au 15 km des Pichous, à Chicoutimi, le 17 février 1973. Et trois femmes avaient pris part au 10 km de l’Université Laval le 22 septembre : Lise Demers, Ellen Rochefort et Céline Blanchette.

Il convient de nommer ces pionnières, car elles ont ouvert la voie (c’est le cas de le dire) à des milliers de femmes qui arpenteront les pistes et les circuits routiers au cours des décennies suivantes.

 

L’évolution depuis 50 ans

Réjean Gagné a réalisé un travail d’archiviste remarquable à la barre du site iskio.ca. Il a notamment compilé de précieuses statistiques qui couvrent une cinquantaine d’années d’histoire de la course sur route au Québec (et de ses dérivés sur sentier ou en montagne). On a ainsi un portrait détaillé de l’évolution de cette activité pendant un demi-siècle.

En 2023, il présentait un graphique éloquent de l’évolution de la course sur route en termes de nombre d’événements. Ce graphique montre surtout que, depuis 50 ans, il y a eu deux vagues : une première dans les années 1980 avec un sommet de 176 courses en 1984, une seconde dans les années 2010 qui a culminé en 2016 avec un total de 617.

D’autres tableaux statistiques fournissent des informations capitales. Ainsi, au chapitre de la participation, le nombre de coureurs et de coureuses qui ont fini une course sur route chronométrée est passé de 100 254 en 2011 à 261 907 en 2016 pour redescendre ensuite à 217 910 en 2019. Les années de pandémie (2020 et 2021) ont évidemment réduit considérablement cette participation, mais celle-ci a repris en 2022 à 120 510, nombre qui a grimpé à 171 292 en 2023 et à 213 200 en 2024. Ces chiffres sont quand même ahurissants, même si le nombre réel de coureurs et de coureuses est moindre vu que bon nombre participent à plus d’une course au cours de l’année. On peut néanmoins affirmer aujourd’hui que la course à pied en général, et la course sur route en particulier, est un sport populaire.

Autres statistiques intéressantes, celles-là sur la participation des femmes. Avec surprise peut-être, on constate qu’elles sont majoritaires depuis 2013. Pas beaucoup plus que 50 %, mais toujours au-dessus. En 2024, elles représentaient 51,6 % des personnes ayant complété une course chronométrée.

Quelles épreuves court-on? La gamme est fort variée, selon le graphique Épreuves. Les distances classiques (1 km, 5 km, 10 km, demi-marathon et marathon) sont évidemment les plus fréquentes, mais on relève une quinzaine d’autres distances (entre 1,5 km et 100 km) ainsi que des épreuves de durée (3 h, 6 h, 12 h, 24 h).

La tradition se maintient donc, se développant sur des assises de plus en plus solides. Mais alors, pourquoi compte-t-on si peu de coureurs et de coureuses de haut niveau?

C’est la question à laquelle nous essaierons de répondre dans la seconde partie de cet article.

 

Remerciements à Marilou Ferland-Daigle, Réjean Gagné, Laurent Godbout et Félix-Antoine Lapointe pour leurs judicieux commentaires au moment de la préparation de cet article.

Photo : Christian Martin