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LA CROISSANCE DE L’ATHLÉTISME VÉTÉRAN (Partie 2/2)


Par Bernard Lachance, Responsable FQA du développement des Maîtres 

Qui sont les athlètes vétérans?

À part le goût pour l’athlétisme qui nous anime et nous rassemble, que sommes-nous au juste? Un ensemble de sportifs, bien sûr passionnés chacun par ses épreuves préférées mais combien aux origines diverses? Notre groupe se compose entre autres, d’anciens athlètes internationaux dans leurs jeunes années, d’athlètes ayant bien performés au niveau universitaires, du High School ou civil, certains ayant pratiqué le sport de façon quasi continue par la suite alors qu’un bon nombre d’autres reviennent sur le tard à l’athlétisme après l’avoir délaissé à cause de circonstances diverses telles, professionnelles, familiales, géographiques, etc. Au niveau canadien, voici quelques noms d’athlètes maintenant vétérans qui ont performé au niveau international : Paul Osland (ON), notre actuel président de la CMA, aux Olympiques de 1988 (800m & 4 X 400m relais), Marcel Jobin (QC), Olympiques de 1976 et 1984 (marche), Ian Hume (QC) et Isobel Bleasdale-Cunningham (QC) aux Jeux de l’Empire Britannique (ancêtre des Jeux du Commonwealth) pour ne nommer que ceux-là. Plus récemment, soulignons la prestance de quelques athlètes en fin trentaine, début quarantaine, donc d’âge master et encore actives, qui répondent aux standards de qualification et qui ont participé récemment à des compétitions internationales : Angela Whyte (AB) aux Olympiques de Rio 2016 (heptathlon & 100m Haies), Marie-Josée Le Jour (ON) aux Jeux Panaméricains  à Toronto 2015 (lancer du marteau) et Natasha Wodak (BC) aux Championnats du monde 2019 à Doha au Qatar  (10 000m).

Qu’on ait été athlète élite ou non, la passion pour l’athlétisme fait de nous un groupe tant diversifié par les épreuves que chacun pratique qu’un groupe unique en soi car, l’athlétisme est un des sports les plus structurés qui soit au niveau vétéran, réglementé tant par la World Masters Athletics et l’IAAF, nouvellement renommée « World Athletics », que par chacune de ses fédérations nationales affiliées. De plus, à la différence de plusieurs autres sports pratiqués par des vétérans, on y détient un rang tant national qu’international au classement (Ranking), nul doute un incitatif à vouloir dépasser nos limites. Intéressant à signaler, l’athlétisme comporte des disciplines ou sports (car l’athlétisme n’est pas un sport mais plusieurs sports appelés « épreuves » qui font appel à des habiletés, techniques et préparations spécifiques bien différentes les unes des autres). Celles-ci peuvent aisément être pratiqués alors qu’on avance en âge donc, le menu idéal pour nous qui visons absolument à ralentir le vieillissement, en quelque sorte un refus bien positif de vieillir.

 

Quelques chiffres sur la participation

 

Avant d’entamer ce sujet, juste une petite précision importante à mentionner concernant le classement (Ranking) mondial. Le site mastersrankings donne des données précises sur les épreuves de piste et pelouse mais demeure très imprécis pour les épreuves de route parce qu’il ne compile que les coureurs affiliés à leur fédération nationale comme vétéran (master). Or, comme la plupart des coureurs sur route ne sont pas affiliés et que plusieurs courses ne sont pas sanctionnées par leur fédération et leurs parcours non certifiés, le site ne les reconnaît pas. 

 

Au niveau mondial :

Vous aimez les chiffres, les statistiques? En voici dans les lignes qui vont suivre mais loin de moi l’idée de vous étourdir avec des nombres et de vous donner un mal de tête à la lecture de ces derniers. Cependant, il n’en demeure pas moins qu’ils aident à nous donner un portrait du phénomène vétéran moderne. Avant de vous les défiler, notez que ces statistiques proviennent du rapport déposé par le gestionnaire du site mastersrankings.com, John Seto en décembre 2017. Ce qui veut dire que ces chiffres demeurent approximatifs (avec deux ans et demie de retard) et sont inférieurs à la situation actuelle car, à la différence de la course sur route récréative qui a décliné de 13% en 2 ans, de 2016 à 2018, en athlétisme master, la participation a augmenté de 187 350 à près de 240 000 maintenant, depuis 2017. Difficile d’avoir le chiffre exact actuel car je n’ai pas connaissance que Mastersrankings aurait sorti un rapport aussi détaillé par la suite. Néanmoins, on peut considérer que les 240 000 membres  réflètent bien la réalité à en juger par le nombre accrus d’athlètes dans plusieurs groupes d’âge et épreuves et ce, même si la plupart des athlètes pratiquent plus qu’une épreuve. Selon le rapport de 2017, le nombre d’athlètes aurait augmenté de 214% entre 2015 et 2017 pour se chiffrer aux 187 725 mentionnés précédemment et le nombre de pays membres de la WMA aurait augmenté de 151 en 2015 à 189 en 2017. Cela expliquerait, en partie la hausse de participants en plus du fait que le phénomène master se fait de plus en plus connaître. Ce qui crée un effet d’entraînement. Plusieurs coureurs qui avaient fait de l’athlétisme dans leur jeunesse et qui avaient dû se replier sur la course sur route parce que l’athlétisme ne leur était pas accessible (ce fut mon cas notamment) pour différentes raisons, y reviennent quand l’occasion leur en est offerte.

Voici maintenant, pour vous donner une idée de la participation, le nombre d’athlètes vétérans affiliés à leur fédération nationale des 20 principaux pays parmi les 189 membres de la WMA. Ces chiffres de 2017 demeurent approximatifs par rapport à maintenant mais nous donnent quand même une bonne idée de la situation.

–       USA                : 22 709                                            – Belgique           : 2 489

–       France           : 19 319                                            –  Norvège           : 2 308

–       Angleterre     : 15 552                                           – Canada             : 2 064

–       Allemagne     : 13 133                                           – Suède               : 1 796

–       Italie               : 12 377                                           – Afrique du sud: 1 670

–       Espagne         :   4 445                                            –  Pologne           : 1 503

–       Australie        :   4 308                                           – Danemark        : 1 456

–       Rép. Tchèque:  3 038                                            – Estonie             : 1 245

–       Japon              :  2 793                                            – Autriche           : 1 172

–       Hollande        :  2 504                                            – N-Zélande        :    959

Le total de ces 20 pays les plus nombreux en athlètes masters se chiffrant à 116 840, les 70 885 autres qui totalisent ceux des 169 autres pays membres de la WMA nous donne une moyenne de 419 athlètes vétérans par pays pour ces pays selon mes calculs ci-après :   187 725 – 116 840 = 70 885 / 169 pays = 419  (moyenne de 420 athlètes / pays), toujours en chiffres de 2017.

Avant de continuer, une petite comparaison avec les Américains : sommes-nous moins nombreux, en proportion de la population, à pratiquer l’athlétisme que nos voisins du sud? Pas du tout car, pour une population 10 fois plus petite (33,5 millions VS 330 millions), la participation des vétérans des 2 pays respecte cette proportion (2 000 VS 22 000 environ). Par contre, on peut constater que nous sommes beaucoup moins nombreux proportionnellement à pratiquer l’athlétisme que la France, l’Allemagne et l’Angleterre qui ont chacun environ le double de notre population canadienne.

 

Au Canada :

Le nombre d’athlètes vétérans selon le rapport annuel de la responsable des membres de la CMA, se chiffrait à 1055 pour 2011. L’année suivante, le membership augmentait de 43%, passant à 1511 et dépassa les 2000 membres en 2018. Petite précision sur l’année 2017 : la différence de 92 membres  entre le chiffre que je vous ai donné ci-haut et celle du rapport annuel publié à la CMA peut s’expliquer parce que, vu que les affiliations pour l’année suivante débutent entre le  1er octobre  et le 1er novembre selon les provinces, les chiffres, pris en fin de saison peuvent aussi inclure ceux de nouveaux membres affiliés pour l’année qui suit. Toutefois, ces chiffres nous indiquent bien que le nombre d’athlètes vétérans a doublé au Canada depuis 9 ans, passant de 1055 en 2011 à 2034 en 2019, augmentation plus qu’appréciable. Pour le Québec, nous étions 56 vétérans affiliés en 2012, année de ma nomination comme responsable provincial des vétérans et 221, soit 4 fois plus pour clore l’année 2019.      

Les chiffres étant ce qu’ils sont, même approximatifs, comment peut-on expliquer cette augmentation si significative sur un si petit nombre d’années. Je me permets d’avancer quelques constatations, si imprécises soient-elles. Pour certains qui  étaient contraints à ne faire que de la course sur route  parce que les épreuves d’athlétisme ne leur  étaient pas  accessibles pour plusieurs raisons depuis des années, reviennent. On dénote aussi une augmentation de la participation aux lancers et sauts depuis les quelques quatre – cinq dernières années (non seulement ici mais aussi aux USA et dans les compétitions internationales) dû au fait que ces épreuves sont aussi accessibles à ceux qui ne courent pas. Beaucoup de sportifs font d’autres sports que la course et si la course demeure populaire, ce n’est pas tout le monde qui aime courir et qui « sont faits pour cela » aux dires de certains. Quant à la marche qu’on pensait presque morte au Québec il y a quelques années, elle est en plein essor, et l’influence de nos voisins Ontariens et Américains où elle était solidement implantée y est sûrement pour quelque chose. Autre phénomène qui fait augmenter la participation : la relève chez les jeunes. En effet, on retrouve de plus en plus d’athlètes qui, en fin de carrière en sénior, décident de continuer chez les vétérans en athlétisme lorsqu’ils ou elles atteignent 35 ans au lieu d’accrocher les crampons et chausser des espadrilles pour s’adonner uniquement à la course récréative sur route ou au vélo.   

 

Et l’Avenir?

Que nous réserve l’avenir? Comme tout sport en croissance, l’athlétisme vétéran,  comme l’athlétisme en général, a selon moi, encore des bonnes années à progresser mais comme les autres sports qui ont connu une popularité ascendante fulgurante ces dernières années, il atteindra un plateau. On voit déjà cette tendance à la course sur route et au soccer, les deux sports les plus populaires au niveau de la participation dans le monde. On peut aussi s’attendre à ce que la tendance à vouloir rester en forme pour bien vieillir serve bien l’athlétisme vétéran pour ceux qui veulent évoluer dans un contexte compétitif moins violent et moins sujet aux blessures que les sports de contact.

 

Bernard