Top 10 québécois de tous les temps en plein air – L’évolution se poursuit, mais le rythme a ralenti
Par Denis Poulet
Note. Les records du Québec établis cette année qui sont mentionnés dans cet article sont sujets à homologation par le Comité des records.
Sept Québécois et Québécoises seulement ont été sélectionnés pour les Mondiaux, mais une douzaine d’autres avaient cogné à la porte avec vigueur, ratant de peu le rendez-vous de Tokyo. La plupart ont réalisé des records personnels au cours de la saison, améliorant leur position dans les classements du top 10 québécois de tous les temps ou, dans certains cas, y accédant pour la première fois. On compte cependant moins de nouveaux venus cette année, soit 9 contre 17 en 2024, tandis que, au total, une quarantaine ont fait bouger les classements, alors qu’il y en avait eu 45 en 2024.
Le top 10 québécois de tous les temps en plein air
Comme d’habitude depuis au moins une dizaine d’années, c’est dans le demi-fond que nos athlètes se sont montrés le plus dynamiques, ainsi que, mais là c’est plus récent, dans le sprint féminin, qui reste la concentration de talents la plus remarquable.
Chapeau à nos sprinteuses
Audrey Leduc (GATI) est naturellement restée en tête du classement du 100 mètres, avec cependant un meilleur chrono, 10,94 s à Edmonton le 13 juillet, nouveau record canadien. Marie-Éloïse Leclair (CSLS) est passée, elle, de la 7e à la 4e place en vertu de son temps de 11,27 s à London le 22 juin. Donna Ntambue (MGOC) est demeurée au 6e rang, mais en égalant sa meilleure performance de 2024, soit 11,36 s.
Frédérique Chiasson (CAUL) a fait une entrée fracassante dans le cercle de l’élite, surgissant à la 4e place du 200 mètres en raison de sa victoire aux Jeux du Canada en 23,08 s le 23 août. Frédérique s’est inscrite aussi au palmarès du 100 mètres, où elle occupe la 10e place en raison de son chrono de 11,48 s le 25 juillet à Québec.
Au 100 mètres, nos 10 meilleures sprinteuses de tous les temps se situent maintenant toutes sous la barre des 11,50 secondes. Et la moitié des 10 performances ont été accomplies au cours des quatre dernières années. On notera que, s’il y a eu pas mal de remue-ménage au 100 mètres, le classement du 200 mètres n’a pratiquement pas bougé, exception faite de l’apparition de Frédérique Chiasson à la 4e place.
Florence Caron et Simone Plourde toujours en progression
Même si elle n’a pas atteint les standards de qualification pour Tokyo, la surprenante Florence Caron (CAUL) a poursuivi sa progression, s’attaquant cette année au demi-marathon, qu’elle a couru en 1:11:57 h le 17 août à Edmonton, 3e performance québécoise de tous les temps. Au 10 000 mètres, elle est passée de la 4e à la 2e place en vertu d’un chrono de 32:23,71 min le 12 juin à Eugene, en Oregon, à moins d’une demi-minute du record provincial de Carole Rouillard, qui remonte à 1991. Au 5000 mètres, Florence occupe toujours le 3e rang, mais elle a quand même amélioré son meilleur chrono de l’an dernier, portant son record personnel à 15:27,05 min le 31 mai à Jacksonville, en Floride.
Simone Plourde (CSLS), qui avait représenté le pays aux Jeux olympiques de Paris en 2024 (4:06,59 min en qualification du 1500 mètres), n’était pas non plus à Tokyo, mais elle n’en a pas moins amélioré son record du Québec, le portant à 4:02,91 min à Eagle Rock, en Californie, le 12 juillet. Elle s’est par ailleurs manifestée avec éclat au 800 mètres avec un chrono étonnant de 2:00,94 min à Los Angeles le 24 mai, à 12 centièmes du record québécois de Lemlem Ogbasilassie, qui date de 2012. Elle est ainsi 2e au classement de tous les temps.
Tatiana Aholou dans la cour des grandes
Après des années difficiles, notamment lors de son séjour aux États-Unis, Tatiana Aholou (CSLS) a vraiment trouvé sa voie, canalisant tout son talent au 100 mètres haies. À quatre reprises elle est passée sous la barre des 13 secondes, avec un sommet de 12,77 s à Edmonton le 13 juillet, nouveau record du Québec qui éclipsait la marque de Julie Rocheleau par un centième (12,78 s en 1988). La magnifique progression de Tatiana lui a valu d’être sélectionnée pour les Mondiaux de Tokyo, où elle n’a pas performé à la hauteur de son talent, éliminée dès le 1er tour (6e de sa vague en 13,21 s), mais c’était une fabuleuse première expérience pour elle à ce niveau. À noter que 12,77 s est la meilleure performance canadienne de l’année.
Tatiana a gagné deux places au classement du top 10 québécois de tous les temps (de 3e à 1re), tandis que Maoly St-Germain (CALO) consolidait sa 7e place avec un chrono de 13,53 s, identique à sa meilleure performance de 2024.
Le 3000 mètres steeple féminin en effervescence
Depuis plusieurs années, le 3000 mètres steeple féminin voit son classement chambardé régulièrement. Elles sont trois cette année à avoir grimpé dans le palmarès, parmi lesquelles une nouvelle, Sabrina Lavigne (CAUL), dont le chrono de 10:26,69 min aux Championnats canadiens le 31 juillet à Ottawa lui a valu de surgir à la 6e place du top 10.
La meilleure Québécoise dans cette épreuve est toutefois Sophie Courville (CSLS), médaillée d’or aux Jeux du Canada et médaillée de bronze aux Championnats canadiens. Son temps de 10:08,56 min à Saint-Jean, Terre-Neuve, le 20 août, lui valait de passer de la 4e à la 3e place dans le top 10. Mérédith Boyer (CALO) a également progressé, passant de la 8e à la 4e place, résultat de son temps de 10:22,26 min à Sherbrooke le 15 juin.
L’apothéose d’un « grand » de notre sport
Chez les hommes, il faut surtout souligner la brillante incursion de Charles Philibert-Thiboutot (CAUL) au 10 km sur route. Même en fin de carrière, Charles étonne toujours. Cette année, son coup d’éclat a eu lieu à Ottawa le 24 mai quand il a gagné le championnat national en 28:06 min, nouveau record canadien (et québécois, il va de soi). Son meilleur chrono antérieur sur la distance remontait à 2021, il était de 29:45 min. Quelle progression!
Charles était aussi à Tokyo, aux Mondiaux, inscrit au 1500 mètres, où il a fait 3:44,82 min au 1er tour, obtenant la 49e place du classement général. C’était en quelque sorte son chant du cygne sur piste. Dans les classements du top 10 québécois de tous les temps, Charles domine au 1000 mètres, au 1500 mètres, au 3000 m, au 5 km sur route, au 10 000 m et au 10 km sur route. Un palmarès extraordinaire, à l’enseigne d’une remarquable persévérance et d’une polyvalence exceptionnelle.
Du sang neuf au 400 mètres et au 800 mètres
Le classement du 400 mètres masculin n’avait guère bougé au cours des dernières années, mais voilà que deux jeunes sont venus le secouer un peu, autorisant de nouveaux espoirs. Mickael Allaire (ALAV), 17 ans, et Gabriel Qureshi (IND), 19 ans, ont démontré un talent hors du commun sur le tour de piste en vertu de chronos de 46,65 s et 47,09 s respectivement. Le premier se retrouve ainsi à la 5e place du top 10 et le second, à la 7e. Mickaël a en fait couru deux fois sous les 47 secondes (46,74 s à Ottawa le 11 juillet, puis 46,65 s aux Championnats de la Légion le 9 août), tandis que Gabriel est passé sous les 48 secondes à trois reprises. Très prometteur!
Au 800 mètres, Justin O’Toole (IND), 23 ans, né à Montréal mais développé aux États-Unis, est venu bousculer toute la hiérarchie québécoise de cette épreuve en se classant 2e aux Championnats nationaux le 2 août à Ottawa grâce à un chrono de 1:45,51 min, qui lui permettait de s’inscrire à la 2e place du top 10 québécois, tout juste derrière Achraf Tadili. Puis, le 25 juillet à Pfungstadt, en Allemagne, il remportait l’épreuve en 1:44,42 min, nouveau record du Québec, mais surtout passeport pour les Mondiaux. À Tokyo, sa belle aventure s’est arrêtée dès le tour de qualification (9e de sa série en 1:48,88 min), mais comme pour Tatiana Aholou, c’était une première expérience à un niveau franchement impitoyable. Signalons que Justin a couru une vingtaine de 800 mètres durant l’année, ce qui est beaucoup. Les Mondiaux de Tokyo arrivaient bien tard dans ce contexte.
Olivier Desmeules (CAUL) et Yassine Aber (CSLS) ont aussi progressé dans cette épreuve. Olivier a gagné une place, de la 7e à la 6e, conséquence de son record personnel de 1:46,82 min à Portland, en Oregon, le 15 juin. Par contre, Yassine a, paradoxalement, glissé d’un rang (de 5e à 6e) en améliorant son record personnel, le faisant passer de 1:46,93 min à 1:46,84 min. L’effet conjugué de l’apparition de Justin O’Toole dans le classement et de la progression d’Olivier a provoqué ce léger recul de Yassine.
Le 800 mètres est une épreuve dynamique dans le paysage athlétique québécois. Quatre des dix meilleurs de tous les temps ont accompli leurs performances au cours des deux dernières années, toutes à moins de 1:47 min.
Dix sous les 4 minutes au mile
Pour la première fois de l’histoire, le Québec compte dix coureurs sous les 4 minutes au mile. En programmant un mile « élite » le 25 juillet au stade Telus de l’Université Laval, les organisateurs de la Classique de Québec permettaient à sept bons coureurs de demi-fond de la province d’écrire une page d’histoire.
Même si c’est un Ontarien qui a remporté la course (Max Davies en 3:53,90 min), le train était tel que les 10 premiers ont tous brisé la barrière des 4 minutes, incluant les sept Québécois. Charles Philibert-Thiboutot (2e à 3:56,41 min) et Jean-Simon Desgagnés (4e à 3:56,65 min) avaient déjà fait mieux, mais pour Émile Toupin (ZENX) (5e à 3:57,26 min), Matthew Beaudet (CSLS) (6e à 3:57,46 min), Thomas Fafard (CAUL) (7e à 3:58,10 min), Robin Lefebvre (EDAC) (8e à 3:58,65 min) et Kevin A. Robertson (CSLS) (9e à 3:58,98 min), c’était une première.
Jusqu’à l’an dernier, quatre coureurs québécois seulement avaient franchi la fameuse barrière. Maintenant, ils sont 10. Dans le monde cette année, 142 coureurs ont couru le mile en moins de 4 minutes; sept sont des Québécois. Pas mal pour une petite nation comme la nôtre!
D’autres belles progressions à signaler
Outre son mile sous les 4 minutes (3:58,10 min), Thomas Fafard (CAUL) a excellé au 5 km sur route, brisant là aussi une barrière, celle des 14 minutes. Son temps de 13:56 min à Boston le 19 avril l’a propulsé à la 3e place du top 10 québécois de tous les temps.
Au décathlon, Édouard Lavoie Beaulieu (SHER) a poursuivi son beau parcours, récoltant 6974 points aux Jeux du Canada. C’était suffisant pour la médaille d’or et ce score le faisait passer de 9e à 6e dans le top 10 québécois de tous les temps. Édouard avait fait mieux en Californie le 11 avril, totalisant 7035 points, mais cette performance n’était pas admissible au classement en raison d’un vent trop favorable dans les épreuves du 100 m, de la longueur et du 110 m haies (moyenne supérieure à 2 m/s).
Par ailleurs, Emanuel Désilets a fait son entrée dans le club sélect des 10 meilleurs (à la 10e place) grâce à un pointage de 6741 points le 15 juin au Ian Hume à Sherbrooke.
Au marathon, Benjamin Raymond (ALAV) est passé de la 9e à la 5e place en finissant 6e à Yonkers, dans l’État de New York, le 30 mars, en 2:18:12 h. De son côté, Anne-Marie Comeau (IND) est passée de la 9e à la 6e place en vertu de son chrono de 2:33:12 h le 15 mai à Ottawa.
Nouvelle venue, Mia Larochelle (CAUL) apparaît 8e au 5000 m (15:59,69 min le 31 juillet à Ottawa) et 5e au 5 km sur route (15:52 min le 10 mai à Lac-Beauport).
Au 400 m haies, Marie-Frédérique Poulin (ZENX) a gagné trois rangs (de 6e à 3e) grâce à son résultat de 56,45 s à la Classique d’athlétisme de Montréal le 6 août.
Il faut enfin mentionner les belles prestations des équipes du Québec dans trois relais. Aux Championnats canadiens, à Ottawa le 3 août, un quatuor formé de Roxane Tedga, Marie-Thérésa Ulysse, Julia Vallée et Frédérique Chiasson a inscrit le deuxième chrono de l’histoire québécoise en bouclant le tour de piste (4 x 100 m) en 44,78 s. Seule une autre équipe du Québec avait déjà fait mieux, 44,74 s en 2022.
Aux Jeux du Canada, l’équipe composée de Karim Slim, Yasser Riad, Cedrik Flipo et Mickael Allaire a remporté la médaille d’argent du 4 x 400 m en 3:11,69 min, 5e performance québécoise de tous les temps. Mickael Allaire était aussi de la partie, avec Zachary Elkin, Gabriel Mompoint et Jaydon Elkin quand le Québec a également gagné l’argent du 4 x 100 m à ces mêmes Jeux en 40,73 s, 6e temps de l’histoire.
Épreuves stagnantes
Le top 10 québécois de tous les temps est un moyen (parmi d’autres) d’analyser l’évolution de notre sport. S’il est réjouissant de voir, année après année, nos meilleurs progresser et de nouvelles têtes s’inscrire dans les palmarès, il est désolant de constater qu’il y a peu de progrès dans certaines épreuves. Ainsi, il n’y a eu aucun changement cette année dans les épreuves suivantes (épreuves courantes des programmes de compétitions) :
- Hommes : 100 m, 200 m, 1500 m, 5000 m, 10 000 m, 20 km marche, 400 m haies, hauteur, longueur, triple saut, disque et marteau
- Femmes : 400 m, hauteur, perche, longueur, triple saut, disque, javelot et heptathlon
Certains classements semblent figés dans le temps, comme, chez les hommes, le 20 km marche, le 400 m haies, la hauteur, la longueur et le triple saut, et, chez les femmes, le 3000 m, la perche, le triple saut et le javelot, où il n’y a eu aucun changement depuis le début de la présente décennie.
Note. Il est possible que le top 10 québécois de tous les temps en plein air bouge encore d’ici la fin de 2025. Plusieurs courses sur route sont au programme de l’automne auxquelles vont participer quelques-uns de nos meilleurs coureurs ou quelques-unes de nos meilleures coureuses. S’il y a lieu, une mise à jour sera publiée à la fin de décembre.