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La musculation améliore-t-elle la performance de course ?


Article par Veronica Furno Puglia, physiologiste de l’exercice et candidate au doctorat

On entend fréquemment que la musculation pourrait nuire aux performances en course à pied puisqu’une prise de masse musculaire non souhaitée mènerait à un poids corporel plus lourd à cause de jambes plus volumineuses. Ces affirmations sont complètement anecdotiques. Dans cet article, on vous explique comment l’entraînement musculaire améliore les performances de course sans générer d’augmentation significative en masse musculaire et sans aucun effet délétère sur la capacité aérobie maximale (VO2max)1.

 

Tout d’abord, il est important de différencier les 3 grandes catégories de qualités musculaires. Les voici :

1.La force-hypertrophie mène à une augmentation du volume du muscle par l’élargissement des fibres musculaires, c’est donc la fameuse prise de masse. Cette qualité musculaire est inefficace pour améliorer les performances en course à pied pour plusieurs raisons2. Tout d’abord, la force-hypertrophie peut être développée à l’aide d’un large spectre de charges soulevées (de 30% à 90% de la charge maximale), des séries de > 10 répétitions, des temps de repos de 30 secondes à 2 minutes entre les séries et un volume très élevé dans la séance et la semaine (~ 15 séries par muscle par semaine), avec au moins 3 séances par semaine3. Il est important de soulever les charges jusqu’à l’épuisement du muscle pour observer des gains en volume musculaire, combiné à un important surplus calorique3. Pour les coureurs qui cherchent à améliorer leurs temps de course, cette méthode n’est pas optimale puisqu’elle génère une très grande fatigue (accumulation de métabolites, inflammation locale et courbatures) et peut même nuire aux entraînements de course par intervalles à haute intensité, surtout si ceux-ci sont effectués de manière rapprochée, dans une fenêtre de < 24 heures4. Pourtant, la force-hypertrophie est une qualité pré-requise pour faire la transition vers le développement de la force maximale chez le coureur3. À court terme, il faut donc absolument passer par ces cycles d’entraînements, avec un volume réduit (ex. : ~ 2 séances par semaine, sans aller à l’épuisement du muscle). Il faudrait utiliser la force-hypertrophie de manière stratégique pour améliorer la gestuelle des mouvements et le recrutement des fibres musculaires, une base qui sera absolument nécessaire pour travailler la force maximale ainsi que la force-vitesse.

2.La force maximale est la qualité musculaire prioritaire à développer pour maximiser la performance de course, notamment par une amélioration de l’économie d’énergie de 2 à 8%1, une amélioration de la vitesse maximale de sprint d’environ 2%5, se traduisant par des temps de complétion plus rapides de 2 à 5% du 1500 mètres au 10 km1. Les mécanismes impliqués sont l’amélioration de la force et du recrutement des fibres musculaires, la diminution de la masse musculaire et du pourcentage de force sollicité à différentes vitesses (efficacité musculaire), un retardement d’activation des fibres musculaires et du système anaérobie plus fatigables, menant à des gains en efficacité gestuelle (économie d’énergie) et en résistance à la fatigue (endurance)6-7. La force maximale se travaille avec des charges lourdes (> 85% de la charge maximale), pour < 6 répétitions par série avec des temps de récupération de 2 à 5 minutes entre les séries, pour 1-2 séances par semaine6. La force maximale est une qualité déterminante et prérequise pour le développement de la force-vitesse6. Ces mouvements impliquent des exercices pluriarticulaires et une gestuelle parfaite pour la prévention !

3.Finalement, la force-vitesse ou bien la puissance musculaire ou force explosive est une autre qualité associée aux gains de performance mentionnés ci-haut. Bien qu’elle soit moins prioritaire que la force maximale, à certains moments dans l’année, cette qualité permet par exemple, une augmentation de la vitesse de production de force et une meilleure raideur musculo-tendineuse8-9. Des exercices balistiques, de pliométries ou d’haltérophilie peuvent être ajoutés au plan d’entraînement pour travailler l’intention de vitesse maximale et la capacité neuromusculaire7. Le spectre de cette qualité : des charges de 20 à 90% de la charge maximale, 3-5 répétitions par série, 3-5 séries, 3-5 minutes de repos entre les séries, 1-2 fois par semaine7. Ces mouvements à plus haut risque de blessure nécessitent une exécution parfaite ainsi qu’une périodisation par un.e préparateur physique.

 

 

 

 

Des exercices de mobilité articulaires, de flexibilité, ainsi que de gainage du tronc (stabilisation) doivent également être ajoutés à titre préventif, par exemple pendant la routine d’échauffement ou à la fin des séances musculaires.

Ce qui est à retenir sur la musculation pour la performance en course à pied est que la force maximale est la qualité prioritaire à développer dans l’année, mais qu’elle requière quelques cycles préparatoires en force hypertrophie. La capacité à activer les muscles, à déplacer des charges lourdes et dans une moindre mesure, à être réactif au sol et explosif (générer de la force rapidement) permettra au corps de travailler la résistance à la fatigue (endurance) ainsi que l’efficacité gestuelle (économie d’énergie).

 

Article par Veronica Furno Puglia, physiologiste de l’exercice et candidate au doctorat

 

Blibliographie :

  1. Rønnestad, B. R., Mujika, I. (2014). Optimizing strength training for running and cycling endurance performance: A review. Scand J Med Sci Sports., 24(4):603-12
  2. Alexander, J. L. N., Barton, C. J., Willy, R. W. (2020). Running myth: strength training should be high repetition low load to improve running performance, Br J Sports Med., 54(13):813-814
  3. Schoenfeld, B., Fisher, J., Grgic, J., Haun, C., Helms, E., Phillips, S., Steele, J., & Vigotsky, A. (2021). Resistance Training Recommendations to Maximize Muscle Hypertrophy in an Athletic Population: Position Stand of the IUSCA. International Journal of Strength and Conditioning, 1(1)
  4. Petré, H., Hemmingsson, E., Rosdahl, H., & Psilander, N. (2021). Development of Maximal Dynamic Strength During Concurrent Resistance and Endurance Training in Untrained, Moderately Trained, and Trained Individuals: A Systematic Review and Meta-analysis. Sports Medicine, 51(5), 991–1010
  5. Cronin, J., Ogden, T., Lawton, T., Brughelli, M. (2007). Does Increasing Maximal Strength Improve Sprint Running Performance? Strength and Conditioning Journal 29(3):p 86-95
  6. Bazuelo-Ruiz, B., Padial, P., García-Ramos, A., Morales-Artacho, A. J., Miranda, M. T., & Feriche, B. (2015). Predicting Maximal Dynamic Strength From the Load-Velocity Relationship in Squat Exercise. Journal of Strength and Conditioning Research, 29(7), 1999–2005
  7. Cormie, P., McGuigan, M. R., & Newton, R. U. (2011). Developing Maximal Neuromuscular Power. Sports Med.
  8. Berryman, N., Mujika, I., Arvisais, D., Roubeix, M., Binet, C., & Bosquet, L. (2018). Strength Training for Middle- and Long-Distance Performance: A Meta-Analysis, International Journal of Sports Physiology and Performance, 13(1):57-64
  9. Barrie, B. (2020). Concurrent Resistance Training Enhances Performances in Competitive Distance Runners: A Review and Programming Implementation, Strength and Conditioning Journal, 42(1):97-106