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L’évolution des meilleures performances québécoises au marathon


Photo : Tjerk Bartlema

Par Denis Poulet

Le marathon est toujours une discipline phare de l’athlétisme. C’est une épreuve de prestige qui reste populaire et dont le rayonnement est important. Les marathons sont amplement couverts par les médias, même s’il ne s’y accomplit aucune grande performance. En 2023, Athlétisme Québec a sanctionné 17 marathons qui ont attiré un total de quelque 8000 coureuses et coureurs.

Cet engouement devrait normalement se refléter dans la qualité des performances, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Les classements du top 50 québécois des meilleurs et meilleures de tous les temps sont éloquents à cet égard. Ces classements ont très peu bougé en 2023, nos têtes d’affiche sont peu nombreuses.

 

Top 50 québécois de tous les temps au marathon

 

Un trio prometteur

Il y a tout de même des signes encourageants, surtout du côté féminin. Elles sont trois qui n’ont cessé de progresser au cours des dernières années. Élissa Legault (CAVD), Caroline Pomerleau (IND) et Anne-Marie Comeau (CITS) composent un trio (ça rime bien, tout ça) qui n’est pas sans rappeler celui de nos trois vedettes des années 1980, Odette Lapierre, Lizanne Bussières et Ellen Rochefort.

Notre brillant trio d’aujourd’hui court dans leur sillage, mais ne les pas encore rejointes. Dans le top 50, Legault, Pomerleau et Comeau occupent respectivement les 7e, 8e et 9e places, tandis que Lapierre, Bussières et Rochefort restent solidement campées aux 2e, 4e et 5e places. Le trio des années 1980 peut aussi revendiquer l’exploit d’avoir constitué la totalité des représentantes canadiennes au marathon des Jeux olympiques de 1988. On ne relève dans l’histoire qu’un seul autre cas où les trois Canadiens sélectionnés dans une même discipline olympique étaient tous des Québécois, soit le trio des marcheurs Marcel Jobin, Guillaume Leblanc et François Lapointe aux 20 km et 50 km des Jeux de 1984.

Même si les percées sont rares dans le top 50 féminin (quatre nouvelles venues seulement en 2023), il y a une indéniable progression. Ainsi, la 50e performance se situe-t-elle à 2:54:44, alors qu’elle était à 2:58:33 en 2017 et à 3:10:05 en 1997, C’est un gain de plus de 15 minutes en 26 ans et de près de 4 minutes au cours des six dernières années.

Autre signe prometteur, 12 des 50 meilleures ont réalisé leurs performances depuis 2020. La décennie est encore jeune, il n’y a aucun doute que le niveau va progresser, mais il faudra, au cours des prochaines années, courir en moins de 2:50 pour s’inscrire dans le classement de l’élite.

Le plus haut niveau semble cependant inaccessible. Les cinq coureuses de tête, qui ont accompli leurs exploits il y a plus de 40 ans, se démarquent toujours très nettement. Si on rassemble toutes leurs meilleures performances, on découvre qu’elles ont couru un total de 30 marathons en moins de 2:35. Jacqueline Gareau y est parvenue 10 fois, dont deux fois en moins de 2:30 (2:29:28 à Boston en 1983 et 2:29:32 à Houston en 1985); Odette Lapierre affiche huit chronos remarquables variant entre 2:30:35 et 2:34:52; Carole Rouillard en a cinq (de 2:30:41 à 2:34:22); Lizanne Bussières peut en revendiquer cinq elle aussi (de 2:30:57 à 2:33:44); enfin, Ellen Rochefort n’est pas en reste avec deux courses à 2:31:36 et 2:32:57.

 

Les hommes piétinent

Du côté masculin, le portrait est un peu moins reluisant. Seulement trois coureurs ont légèrement agité le top 50 en 2023 : Marc-Antoine Senneville (CSAT) a fait une belle irruption à la 5e place en vertu de son excellent chrono (2:19:19) au Marathon de Chicago le 8 octobre, Patrice Labonté (CAUL) est passé de la 17e place (2:21:59) à la 15e (2:20:49), tandis que Jean-René Caron (IND), 45e l’an dernier (2:24:36), grimpait au 17e échelon (2:20:54).

Deux autres membres d’Athlétisme Québec se sont distingués, mais n’apparaissent pas dans le classement, soit Maxime Lopes (CA3D) et Pierre-Lou Billerot (CA3D). Les deux habitent au Québec, mais ne sont ni citoyens canadiens ni « résidents permanents » (en termes de statut de citoyenneté), ce qui les rend inadmissibles. D’origine française, Lopes a obtenu un impressionnant chrono de 2:15:20 à Valence, en Espagne, le 3 décembre, ce qui correspond à la deuxième performance québécoise de tous les temps, derrière le record provincial d’Alain Bordeleau (2:14:19 en 1984). De son côté, Billerot, lui aussi d’origine française, a fait 2:16:55 à Philadelphie le 19 novembre, ce qui le positionnerait tout juste derrière Lopes, à la 3e place.

Cela dit, le gros des 50 meilleures performances est resté concentré dans les années 1980 (21 résultats). On observe néanmoins 10 performances réalisées depuis 2020, incluant celle de Senneville mais aussi celle de Benjamin Raymond (CADL), 2:19:55 en 2022, bonne pour la 7e place.

La 50e performance se situe à 2:25:10, elle était à 2:26:50 en 2017 et à 2:30:30 en 1997. Le gain d’un peu plus de 5 minutes en 26 ans n’est pas très impressionnant. Il y a néanmoins une légère progression. Et comme 10 des athlètes classés ont réalisé leur meilleur chrono depuis 2020, on peut entrevoir que l’évolution va se poursuivre.

Et si l’on comparait avec les niveaux national et mondial ?

 

Top 50 marathon — Répartition par décennies 

Décennies Québec Canada Monde
H F H F H F
1970 1 0 8 0 0 0
1980 21 14 16 12 0 0
1990 6 5 4 7 0 0
2000 4 5 5 6 3 3
2010 8 14 10 15 22 10
2020 10 12 7 10 25 37

 

 

Au niveau national

Au niveau national, la progression des femmes est, comme au Québec, plus remarquable que celle des hommes. La moitié des 50 meilleures performances ont été effectuées au cours des 12 dernières années, dont 10 depuis 2020. En 2017, la 50e était à 2:43:07, aujourd’hui elle est à 2:38:44, un gain de plus de 4 minutes. Le record canadien, lui, est passé de 2:28:00 en 2013 à 2:23:12 en 2022, une progression de près de 4 minutes.

Le palmarès compte sept Québécoises, avec Jacqueline Gareau, notre meilleure, à la 10e place, mais il y manque Caroline Pomerleau et Anne-Marie Comeau, qui devraient s’y trouver aux 29e et 30e places respectivement. Le classement national n’est donc pas à jour.

Chez les hommes, il y a eu des progrès aussi, mais plus modestes. Dix performances ont été réalisées au cours des 12 dernières années, dont 7 depuis 2020, mais on en retrouve 16 qui datent des années 1980 et même 8 qui remontent aux années 1970. Le record national de Jerome Drayton (2:10:09), réalisé en 1975, a tenu le coup 43 ans, battu par Cameron Levins (2:09:25) en 2018. Levins l’a porté à 2:07:09 en 2022, puis à 2:05:36 en 2023. Et même s’il n’est pas dans le top 50 mondial, il s’est tout de même classé 4e aux Mondiaux de 2022, à Eugene, en Oregon.

La 50e performance canadienne est à 2:16:52, alors qu’elle était à 2:17:48 12 ans plus tôt. Faible progression de même pas 1 minute !

Le top 50 canadien masculin n’inclut qu’un seul Québécois, soit Alain Bordeleau, 26e.

 

Meilleure et 50e performance

Québec Canada Monde
H F H F H F
MP 2:14:19 2:29:28 2:05:36 2:23:12 2:00:35 2:11:53
50e 2:25:10 2:54:44 2:16:52 2:38:44 2:04:32 2:19:19

 

Au niveau mondial

Au niveau mondial, l’évolution est phénoménale, tant du côté des hommes que de celui des femmes. Chez ces dernières, elle est carrément fabuleuse. Trente-sept des 50 meilleures performances féminines ont été réalisées depuis 2020, dont 13 en 2023. Cinq des dix meilleures datent même de cette année, dont le record du monde de 2:11:53 de l’Éthiopienne Tigst Assefa réalisé à Berlin le 24 septembre. Le même jour, à Montréal, le gagnant masculin (Felex Cheruiyot Rop) franchissait le fil en 2:23:20 !

Le record du monde féminin est supérieur au record québécois masculin, il aurait même sa place dans le top 50 canadien masculin (à la 15e place). La 50e performance (2:19:19) occuperait la 5e place dans le classement québécois masculin (à égalité avec le chrono de Marc-Antoine Senneville).

Chez les hommes, la progression est moins spectaculaire, mais elle n’en demeure pas moins impressionnante. Vingt-cinq des 50 meilleures performances mondiales ont été effectuées depuis 2020, 11 en 2023 seulement. La 50e se situe à 2:04:32, mieux que le record canadien.

Est-il encore possible de « percer » dans ce monde de performances stratosphériques ?